Tu venais de finir une journée dans ce nouveau travail sur Philadelphie, cette journée était éprouvante, mais au niveau des émotions éprouvantes, tu étais servie depuis tellement de mois. Ce n’était pas simple ce nouveau départ, comment reprendre sa vie à zéro alors que tu avais vécu cette vie si parfaite ? C’était dur, c’était compliqué et tu ressentais un trou béant dans ta poitrine, cette sensation de perte, de vide. Ton cœur se resserrais car tu connaissais ce sentiment, elle t’imprégnait des premières secondes de ton réveil au dernières secondes avant de sombrer.
Tu avais pendant longtemps été en colère, tu avais tellement pleuré, tu avais supplié le seigneur, tu avais quémandé auprès du Diable, tu avais juré, tu avais bannie Dieu de ta vie et de ton existence, tu avais tellement marchander tout en trouvant des raisons, tu en comprenant pourquoi l’univers fonctionnait ainsi, tu avais eu tellement mal que tu avais l’impression que tu n’étais plus là, tu aurais préférée ne plus être là, tu avais néanmoins réussis à traverser ce brouillard, ces ténèbres, après avoir tout fait pour, tu t’étais rendue à l’évidence que la seule chose que tu pouvais faire, c’était de reprendre le cours de ta vie.
Mais comment ? Tu avais l’impression d’être ailleurs, dans un autre monde, une autre planète, une autre dimension où tout le monde avançait tellement vite, et toi, au ralenti. Tu voyais que ton entourage voulait te voir revivre, te revoir sourire et te retrouver, mais toi, qui étais-tu ? Tu ne savais pas comment faire, comment être celle que tu étais quand ta raison d’être n’était plus ? Comment respirer quand l’air que tu respirais n’était plus, il était ton air et tu en étais privé, tu étais asphyxiée.
Alors tu étais partie, tu avais fui, tu avais changé de travail, tu avais quitté ton mari et ton logement et tu étais partie de ta ville pour cette île qui était en une fraction de seconde dans ton esprit, l’endroit idéale, la solution qu’il te fallait pour réapprendre à te connaître, te connaître toi sans lui, te connaître toi avec cette douleur que tu aurais toute ta vie, apprendre à cohabiter avec elle.
Tu sortis du Ferry et avant de retourner chez toi, enfin, chez ta sœur qui t’hébergeais tu décidas de prendre un prendre un peu la vie au phare du pont, tu aimais cet endroit, tu avais toujours aimée les phares d’ailleurs. Cela te donnait une sensation inexplicable. Une fois montée les marches, tu découvris qu’une personne était déjà là, tu étais sur le point de redescendre quand la dite personne se retourna et tu vis, tu reconnus ce visage familier, cette personne qui pour toi était comme dans une ancienne vie.
Tu l'aimais plus que tout au monde, elle était ton ange, ton monde, l'être sans lequel tu ne parvenais tout simplement plus à respirer. Tout en haut du phare de la ville, les deux mains fixées sur ce garde fou dont tu avais tant besoin pour ne pas te jeter par-dessus bord pour finir défiguré par les rochers. Tu voulais hurler à t'en brûler les poumons, mais tu n'y arrivais même plus. Alors tu pleurais toutes les larmes de ton corps, tu pleurais cette vie heureuse perdue à ses côtés. Le sourire de ta femme tu ne l'as pas vu depuis tant d'années, depuis l'accident tout a tremblé dans vos existences, jusqu'à fissurer vos deux mondes autrefois si étroitement liés. D'un coup tu n'étais plus apte à l'atteindre, la rejoindre, elle était comme sur une île infranchissable gardée par les dieux de l'enfer. Tu te battrais contre eux si cela te permettait de la retrouver, ne serait-ce qu'une fois. Si seulement, tu parvenais à la revoir derrière ce bloc froid de tristesse. Tu ferais tout, pour la ramener au royaume des vivants. Il faut qu'elle comprenne qu'elle n'est pas morte avec lui. Que vous êtes encore là, tous les deux, et que vous devriez affronter sa perte ensemble, vivre, pour lui. Tu es venu dans cette ville pour essayer encore une fois. Tu priais pour que cela fonctionne, tu étais prêt à tout. Cependant, tu ne pensais pas que ta prière serait exaucée de cette façon... Enfermé dans ta peine, tes oreilles perçoivent un pas automate que tu reconnaîtrais entre mille à présent, et effectivement, c'est ta femme à moitié morte qui apparaît en haut du phare. Ce regard vide te brise le coeur en un millier de morceaux. Tu serres plus fort la barre en métal, alors qu'elle s'apprête à redescendre, insensible. " Eileen ! " tu aurais pu crier, mais ce ne fut qu'un murmure qui traversa ta gorge. Tu lui couru après pour l'arrêter dans sa descente, c'était presque métaphorique, que tu cherches à t'imposer entre elle et ce foutu escalier. " Ne descends pas. Regarde moi. Je t'en prie. " demandes-tu, combien de fois, aviez-vous joué cette scène ? Combien de fois, elle s'était montrée indifférente ? Fallait-il que tu la claques pour qu'elle réagisse enfin comme une personne humaine ? L'embrasser n'avait servi à rien, lui aboyer ta colère dessus non plus. Tu avais déjà tout testé, qu'est-ce qui pourrait la rappeler à toi ? Comment réparer ce qui semble être brisé à jamais ? " Est-ce qu'on peut arrêter d'être misérable ? Est-ce qu'on peut essayer de faire semblant au moins deux minutes ? " c'est presque une supplique. Tu es à court d'idées, mais surtout la fatigue s'est incrusté sous ta peau, contaminant chaque parcelle, remontant telle une maladie jusqu'à ce coeur autrefois si fort. " Eileen, je t'aime toujours. Reviens. " pourquoi tu n'arrêtes pas cette lutte ? Pourquoi tu t'accroches ? Elle s'en fiche... [/font]