Je ne m'occupais pas de cas hyper important ces derniers temps, à vrai dire, je ne m'occupais que des post op et on me mettait loin des cas chirurgicales. Toutefois, je me retrouvais dans une situation très complexe où mes responsables ne voulaient pas, mais où on était obligée. C'est un fait étrange, un lien étrange qui peut arriver et je ne sais pas pourquoi c'est moi qui a été choisie, je n'étais pas la meilleure personne pour venir en aide psychologiquement, pas la meilleure personne à suivre et à donner des conseils et pourtant, peut-être que mon âme brisée au plus profond de mon être, lui faisait sans doute sentir que nous étions l'une comme l'autre des écorchés par la vie, usée par les épreuves, fragilisées plus qu'endurcie comme on aimait le faire croire.
Bien sûr, nous n'avions pas vécus la même chose dans la vie, mais j'étais consciente tout comme elle que nous en avions pas mal morflés, à telle point qu'on trouve cela normale, que c'est tout à fait ordinaire que la pire des merdes puisses nous arriver, une épée Damoclès continuellement au dessus de notre tête. On sait reconnaître dans les yeux d'une personne, si on regarde bien, on sait. Et je pense que c'est pour cela au final, qu'au premier regard, un lien se créa entre nous. Et que je devais restée avec elle, elle était ma priorité. C'est ce qui arrive quand une victime de kidnapping est libérée, il lui faut un nouveau repère, une nouvelle ancre. En général, on fait d'abord venir un psychologue ou autre, mais par manque de temps, ils avaient pas eu le temps et c'est moi qui a été désignée, choisie par cette brune, terré dans le mutisme.
Je pouvais comprendre que ce n'était pas facile, que ce n'était pas simple et je ne pouvais pas dire que je pouvais comprendre ce qu'il se passait dans sa tête. J'avais réussis à avoir son dossier médicale, profil psychologique tout comme les dossiers de police et tout ce qui la concernait. Que ce soit sa famille, son frère mort, sa meilleure amie liée à cette histoire de Marie Clinton, condamnée à mort et libérée au dernier moment, la drogue, la prostitution, et tout ce milieu sordide dans lequel elle vivait. Je ne savais pas toujours comment aborder des sujets avec elle, je ne savais pas à quoi elle pouvait se rattacher pour reprendre le sens des réalités, ce n'était qu'un moment de temps, si jamais elle n'avait aucune évolution dans les jours à venir, ils parlaient de la faire internée dans un centre spécialisée et j'étais certaine qu'il ne fallait pas, elle pouvait s'en sortir, elle devait s'en sortir, j'avais besoin qu'elle s'en sorte.
J'entrai dans sa chambre doucement, elle était réveillée. Bien sûr qu'elle l'était, elle ne dormait vraiment que lorsqu'on lui mettait des médicaments pour qu'elle dorme. Je ne savais pas pourquoi elle ne dormait pas, avait-elle peur de fermer les yeux, son cerveau était peut-être sans répits, il lui manquait peut-être quelque chose, était-elle victime du syndrome de Stockholm et au final, son ravisseur lui manquait peut-être, avait-elle peut-être besoin de lui? Je ne pouvais pas savoir. Je m'installai à côté d'elle doucement, comme souvent. Je lui souris et lui parla un peu pour ensuite commencée à prendre les notes, ses constantes, lui poser des questions si elle avait mal quelque part ou autre pour remplir son dossier médical avant de me réinstaller près d'elle.
Je ne disais rien pendant un moment, je me confiais à elle pour la mettre en confiance, qu'elle sache qu'elle peut se confier aussi à moi. Je sais très bien également que je ne devais pas me servir d'elle pour me défouler et faire d'elle mon exécutoire, mais c'était plus simple. Comme si elle me comprenait en quelque sorte. Après tout, on était complètement déglinguée de l'intérieur elle et moi.