Jaymz Daniels ◈ Gaspard Ulliel

Pourquoi réaliser un rêve et être heureux sont deux choses si différentes ? Je ne comprends pas. -
Nana

 Dis-moi, Skyla… Te souviens-tu du jour où j’ai enfin osé venir te parler ? Il faisait extrêmement chaud ce jour là et tu t’éventais avec quelques unes de tes feuilles de révisions, assise sur ce banc devant l’entrée de l’Université. Voir tes jambes dénudées et ton regard si concentré me rendait fou aussi bien que j’ai cru tomber malade. Si Calypso n’avait pas été derrière moi ce jour là, je me serai certainement encore dérobé. J’ai bafouillé ce jour là, comme un imbécile. J’étais face à toi comme un enfant découvrant le monde sous un nouveau jour. Et pourtant, malgré toute ma maladresse, tu m’as souris timidement. Tes pommettes étaient rougies par la chaleur tandis que tes yeux étaient à la fois curieux et fuyant. Je pense que c’est l’instant où j’ai su qu’au fond de mon cœur, c’était toi. C’est fou non, comme nos pensées peuvent parfois être irrationnelles. Tu ne me connaissais pas et j’en connaissais si peu de toi à cette époque. Pourtant mon cœur tambourinait violemment dans ma poitrine, comme une bombe sur le point d’exploser. Pourtant, ce jour là tu as accepté de me parler. Et depuis je n’ai jamais regretté un instant.

Tu sais Skyla, tu étais mon rayon de soleil dans la Londres pluvieuse. Ton sourire savait à lui seul éclairer tout le pessimisme dont je pouvais faire preuve. Je n'ai jamais eu confiance en ce que la vie pouvait m'apporter, mais dès lors que mon regard s'est posé sur toi... J'ai su. J'ai su qu'il existait une once de Paradis sur cette planète. Qu'il existait quelque part entre tes bras, cette sécurité qui me manquait. J'avais l'impression de sentir tout mon corps vibrer, que ma tête n'allait plus être sur le point d'exploser. L'aventure que nous avions commencé à deux était une bouée de sauvetage dans le nauffrage de mes échecs, je m'y accrochais. J'étais certain d'être tout pour toi comme tu pouvais l'être pour moi. Maintenant que tu n'es plus là... Mes doutes reviennent me ronger. Inlassablement, tous les soirs m'attendant comme une épouse dévouée. Ils me rongent et me consumment, me prennent le peu de dignité qu'il me reste. Et alors je me demande quelles étaient tes réelles motivations. Etait-ce purement altruiste ? L'as-tu réellement fait pour moi ? Je crois parfois tellement peu en l'humanité qu'il m'arrive de douter de toi. Te rends-tu compte de cela ? Bien évidemment que non. Tu as disparue de ma vie aussi vite que je t'y ai vu y embarquer.

Il existe des personnes qui vous collent à la peau, celles qui entrent dans votre vie pour ne plus jamais en sortir. Je ne sais l'expliquer... Je ne comprends même pas à quel point tu as pu devenir pire qu'une obsession. Je te sens tatouée jusque dans mon âme. Je t'ai longtemps cherché à chacun de mes passages sur Londres. Mais tu n'étais plus qu'un lointain souvenir déchirant mon âme.



Aujourd'hui, je me sens aussi froid que cette nuit d'hiver où je suis né. Il faisait froid ce soir là et mes parents attendaient ma venue avec une certaine impatience. La neige tombait sur Londres tandis que seules les décorations de noël trahissait encore les vacances. Avec le recul, cette époque me semblait si facile, si docile... L'amertume me gagne en me disant que cet esprit sauvage et dynamique était bien plus heureux lorsqu'il n'avait qu'à se contenter de quelques mathémathiques et de réussir à grimper aux arbres. La vie d'adulte est morose, bien trop compliquée. L'innocence que tu me faisais vivre me manque affreusement. Nous n'avions pas beaucoup que ces petits appartements lors de nos années d'étudiant et pourtant... J'ai l'impression de n'avoir jamais été aussi comblé. Brixton ne me manquait pas et sous ton regard et celui de la grisaille Londonienne, je grandissais. Malgré une scolarité bien décadante, la musique me nourrissait assez d'espoir pour ne pas m'en faire. Et pourtant... Jamais je n'aurai pu deviner qu'un jour la musique m'enleverai celle que j'aimais plus que tout.

Je n'ose pas te le dire Skyla, mais je t'en veux énormément de m'avoir laissé partir. Mon choix était fait... Tu passais avant mes rêves. Mon ambition c'était toi. Et toi, tu as choisis à ma place. La colère et le chagrin m'ont fait partir mais avec le recul je me rends compte que j'aurai dû faire marche arrière... Partir en courant de l'embarcation de cet avion et te rejoindre. Te serrer contre moi et ne plus jamais t'en faire partir. Te faire mienne comme j'avais déjà songé le faire. T'offrir cette bague que je gardais secrètement parce que j'étais mort de trouille. J'avais terriblement peur que tu refuses, pour une quelconque raison dont je n'avais même pas encore imaginé moi-même. Aujourd'hui, je ne sais qu'en faire. Je ne me suis jamais résignée à la jeter et je la garde avec moi comme un porte bonheur. Comme si tu étais encore là et que jamais plus je n'aurai à m'inquièter de te perdre.

Je vis de la musique mais je n'entends désormais plus la tienne. Je suis sous la lumière constante des projecteurs et pourtant je suis en manque de l'éclat de ton sourire. Je suis perdu dans un nauffrage sans fin où mon esprit ne semble plus retrouver sa paix. Je ne me reconnais plus, Skyla.

Sais-tu pourquoi je t'aime ? Certainement pour toutes les qualités dont tu pouvais faire preuve. Également pour ta douce beauté qui me faisait chavirer. Mais sais-tu réellement pourquoi je t'ai aimé si fort, Skyla ? Tout simplement car avec toi, j'aimais ce que j'étais.

Il serait temps que je tire enfin un trait sur tout ça, tu ne penses pas ? Il serait temps que mon esprit passe à autre chose. Que je commence à effacer chaque parcelle de toi qui habite encore mon corps. Il est temps que je passe à autre chose et cette constatation me dévorre lentement. Que j'arrête de vivre sur les attentes de mes parents. Ou dans l'ombre de mon frère et de cette liberté que je lui envie tant. Que je cherche enfin à combler ce vide dans le creux de ma poitrine.

Que je t'oublie enfin.