Kenna Roberts ◈ Gal Gadot

Je m’appelle Claire Duval et je suis née le 2 novembre 1988 à Paris, capitale française. Ma mère, Véronique Duval est dentiste dans le XIème arrondissement de Paris, mon père Dominique Duval est banquier, en plein cœur de la ville. J’ai un petit frère, Thomas, de quatre ans mon cadet et une petite sœur, Solène, d’à peine vingt-deux ans. J’ai toujours vécu à Paris, cette ville et ses monuments, ses boutiques et son afflux de touristes toute l’année.. Paris est mon toit, ma maison. J’ai eu une enfance banale et heureuse, deux parents aimants et une fratrie soudée, un chien, des cours de piano et surtout des amis fidèles, pleins d’amis fidèles. Je vivais ma vie comme toute parisienne normale, j’allais en cours, je sortais avec mes amis et puis j’ai rencontré Henri. La première fois que je l’ai vu j’étais en dernière année d’école d’infirmière, j’étais stagiaire et il était interne en médecine, autant dire qu’il n’a pas fait attention à moi. Et puis les choses ont évolué entre nous, nous nous sommes rapprochés, nous sommes devenus amis puis amants et nous avons finis par nous mettre ensemble officiellement. Nous vivions quelque chose de pur, de beau, nous avions une belle relation, le genre idyllique que les autres jalousent. J’avais vingt-cinq ans lorsque nous nous sommes mariés et les choses ont commencé à changer. Sans que je m’en rende vraiment compte, il a commencé à m’isoler de mes amis puis de ma famille et quand j’ai ouvert les yeux il était trop tard, le mal était fait. J’ai tenté de me rebiffer, d’y mettre un terme et c’est là que les coups ont commencé. Au départ ce n’était rien de violent mais les choses ont très vite empirées et j’ai été prisonnière de ce montre durant quatre longues années, je l’ai aimé avant de le haïr. Et puis ma vie a basculé il y a un mois..

Les mains tremblantes, je compose le numéro de Baptiste. Il décroche à la première sonnerie et je murmure « Bapt, c’est Claire, il faut que tu viennes chez moi, il s’est passé quelque chose. » En à peine vingt minutes, le policier débarque dans la maison, il entre sans frapper et j’entends sa voix grave et inquiète du haut des escaliers. « Claire ? Claire, c’est Baptiste, où es-tu ? Est-ce que ça va ? » J’entends ses chaussures frapper le carrelage de la cuisine, puis le parquet du salon et je l’entends jurer en bas des marches lorsqu’il enjambe le corps d’Henri, inerte. Sa voix se fait alors plus pressante, plus anxieuse. « Claire ?! » Toujours en larmes, je suis assise sur le palier du haut, la tête enfouie dans mes mains. Je l’entends monter quatre à quatre et me rejoindre rapidement. « Claire, est-ce que ça va ? Qu’est-ce qui s’est passé ? » Je relève alors la tête, mon visage est tuméfié, ma lèvre inférieure est éclatée et je peine à ouvrir mon œil droit. Il tente de m’aider à me relever mais ce simple effort m’arrache un cri de douleur, probablement des côtes cassées. Il s’accroupit alors à mes côtés. « Racontes-moi tout. » Je m’exécute sans broncher, consciente qu’il pourrait m’envoyer en prison avant même la fin de mon récit. « Je.. Ce n’est pas de ma faute, il hurlait, il était comme fou. Il avait attrapé son club de golf et j’ai eu si peur Baptiste.. J’ai eu peur et j’ai essayé de le repousser et il est tombé. Je crois.. Je crois que je l'ai tué, il ne bouge plus depuis tout à l’heure. » Il passe délicatement un bras autour de mes épaules, ce qui m’arrache une grimace, peut-être dû à une clavicule fracturée et chuchote. « Oui, il est mort, Claire. » Je me remets alors à pleurer de plus belle. « Oh non.. Je suis tellement désolée, je ne voulais pas ça, j’ai cru qu’il allait me tuer.. Qu’est-ce que j’ai fait.. » Baptiste, cet ami de longue date, ce protecteur qui m’a si souvent mis en garde, ce confident qui a essayé de me faire porter plainte contre Henri à tellement de reprises, prend alors la décision la plus dangereuse pour sa carrière. « Vas faire tes affaires. »

Deux jours d’hospitalisation plus tard, je ne m’appelais plus Claire Duval mais Kenna Roberts, bibliothécaire de vingt-neuf ans portant des verres sans correction et fraîchement débarquée à Londres en provenance de Berlin. Claire Duval n’existait plus, sûrement battue à mort et enterrée quelque part par son mari violent. Baptiste m’avait sauvé la vie et je lui en serai à jamais reconnaissante. Alors pour lui, j’allais commencer une nouvelle vie, j’allais jouer le rôle qu’on m’avait attribué et tenté de repartir à zéro, d’être de nouveau heureuse, de saisir la seconde chance qui m’a été accordée.

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